Cet article est issu du numéro 10 de Kroaz ar Vretoned, Aux Origines de la Bretagne.
Peuplée de celtes au début de notre ère, la naissance de la Bretagne telle que nous l’entendons, à savoir en territoire considéré comme uni, est liée à deux figures majeures : l’Empereur Romain Maxime Le Grand (335 – 388) et Conan Mériadec, premier Roi de la Bretagne armoricaine.
Le premier, général romain d’origine espagnole basé sur l’île de Bretagne, part en révolte contre l’Empereur Romain Gratien : le Comes Britanniarum (commandant des armées mobiles de Bretagne) débarque en 383 après Jésus Christ sur les terres gauloises et règne dès lors sur l’Ouest de l’Empire Romain (Bretagne, Gaule, Espagne). Lors de ce débarquement, il est suivi de quelques chefs bretons dont la légende retiendra l’un des noms, celui de Conan Mériadec, par l’intermédiaire de l’historien gallois Geoffroy de Monmouth, dans son ouvrage Historia regum Britanniae (Histoire des Rois de Bretagne).
Dans les récits médiévaux gallois Mabinogion, rédigés aux XIV° et XV°Siècles, et dans l’ouvrage Achau Saint Ynys Prydain (Généalogie des Saints de l’île de Bretagne), Conan Médiadec est décrit comme le neveu du Roi de Bretagne Insulaire Octavius (ou Eudaf Hen dans la mythologie galloise), et cousin de Sainte Hélène, épouse de Maxime. Ainsi toujours selon ces écrits, le Prince arrivant sur les terres armoricaines aux côtés de l’Empereur, aurait reçu en gouvernance la Petite Bretagne, régnant ainsi sur les cinq peuples gaulois (Osismes, Curiosolites, Venètes, Namnètes et Redones).
Dans son ouvrage La Bretagne de 1866, Mme Barbé narre cette anecdote légendaire : « Les anciens chroniqueurs racontent que Mériadec, en touchant la terre de Bretagne, aperçut des hermines qui se réfugièrent sous son bouclier, et que, frappé de ce présage qu’il jugea favorable, il fit peindre un de ces petits animaux sur ce bouclier même avec cette inscription : Malo mori quàm foedari (mieux vaut la mort que la souillure). »
Avec la mort de l’Empereur Théodose en 395, vainqueur de Maxime en 388, les invasions barbares frappent de plein fouet la Bretagne Insulaire : Saint Patrick est alors fait prisonnier par les pictes, tandis que sa sœur Sainte Darerca arrive à fuir en Bretagne armoricaine. Elle y épouse Conan Mériadec, et lui donnera notamment son fils aîné Gradlon le Grand, et fut la mère de nombreux saints, selon la Vita tripartita Sancti Patricii.
Toutefois, comme le précisera bien plus tard l’historien Arthur de la Borderie : « Sans Geoffroy de Monmouth, Conan Mériadec n’existerait pas ; c’est chez lui que tous nos historiens l’ont pris, sauf à le transformer plus ou moins »[1]. La question même de la conquête militaire y est évoquée, lui préférant une conquête pacifique liée à la christianisation, et l’avènement d’un chef breton dans les rangs des peuples gaulois : « Conan Meriadec-ta, pehini oa deuet aman gant calz tud iaouanc euz ar Vreiz-Veur, a oa eun den a zoare hag a galon. Paotret iaouanc Breiz-Izel o doa hen goulennet evit ober ar brezel d’ar Romen ; hag o veza trec’het ar Romen hag go c’hasset en em euz ar vro, lequejont da ioual e vije Conan ho roue. (Le Roi Conan était l’un deux ; c’était un homme de cœur et plein de courage ; les jeunes bretons le suivaient avec confiance, et ayant vaincu les Romains et les ayant chassés de leur pays, ils s’écrièrent que Conan Mériadec serait leur Roi.)[2] »
In fine, entre la légende et l’Histoire, il est extrêmement difficile de déterminer si Conan Mériadec a réellement existé, et les historiens travaillent encore sur cette période historique complexe, mais fondatrice de notre Bretagne.

[1] Histoire de Bretagne, Arthur de la Borderie
[2] Histor ar Vreiz, Anne de Mesmeur, 1855