Nous reproduisons ici l’éditorial de notre numéro 11 – Pask Laouen d’an holl, disponible sur ce lien.
L’inflation normative, c’est-à-dire l’augmentation exponentielle du nombre de lois de notre Pays, est depuis longtemps devenue ingérable. Trop de lois, trop longues et d’une complexité aberrante, le constat était déjà évident en 2001 quand le Président du Conseil d’Etat, Renaud Denoix de Saint-Marc, « Pour frapper l’opinion ou répondre aux sollicitations des différents groupes sociaux, l’action politique a pris la forme d’une gesticulation législative ».
Sujet encore trop cruellement d’actualité, mais pas évoqué par nos candidats : de fait, comment endiguer cette dérive systémique qui paraît inéluctable ? Même la dynamique initiée par le Conseil d’Etat en 2016, sobrement nommée « Simplification et qualité du Droit », n’y peut rien, ni les beaux discours présidentiels comme celui du 3 Juillet 2017, où le Président avait ce constat clair : «La prolifération législative affaiblit la loi qui perd dans l’accumulation des textes une part de sa vigueur et certainement de son sens. » Rien n’y fait : sur la XV Législature (2017-2022), ce sont 354 nouveaux textes qui ont été adoptés, 335 lois promulguées,[1] etc…
La question la plus évidente reste : pourquoi ? Benjamin Constant écrivait à juste titre en 1815 « la multiplicité des lois flatte dans les législateurs deux penchants naturels, le besoin d’agir et le plaisir de se croire nécessaire »[2]. Si l’orgueil et la gesticulation peuvent encore être d’actualité, ce constat fête son bicentenaire, et ne peut –seul- expliquer l’actualité de cette inflation normative : pourquoi alors ce phénomène se renforce encore aujourd’hui ?
Une autre raison peut être tirée de l’enseignement de Sénèque (I°Siècle après JC) : « L’honneur défend des actes que la Loi tolère ». Propos fort, car il souligne en même temps les limites du Droit Positif et du Corpus Juridique, et son indispensable complément dans l’Honneur populaire, dans cette dignité morale qui puisait son essence dans la Loi Naturelle. Léon XIII, à la suite de Saint Thomas d’Aquin, écrivait dans Libertas Praestantissimum (1888) : « La loi naturelle n’est autre chose que la loi éternelle, gravée chez les êtres doués de raison et les inclinant vers l’acte et la fin qui leur conviennent, et celle-ci n’est elle-même que la raison éternelle du Dieu créateur et modérateur du monde.».
Aujourd’hui, où les notions d’Honneur, de Morale et de Dignité se dévoient, où le respect de la Loi Naturelle n’est même plus évoqué dans les discussions Bioéthique par exemple, où l’immoralité et l’individualisme sont mis en avant, le Droit Positif va vouloir tendre à combler ce vide, et légiférer à outrance là où l’Honneur aurait dû faire Loi. Tendance évidente, mais ô combien stérile et impossible, Sénèque en faisait déjà le constat il y a 2000 ans. C’est dans la redécouverte de la Loi Naturelle, cette « source de vie, de bonheur et d’épanouissement »[3] que se trouve une des possibles solutions à l’actuelle logorrhée législative de notre Pays.
[1] https://www2.assemblee-nationale.fr/15/statistiques-de-l-activite-parlementaire#_ftn2
[2] Principes de Politique
[3] Edouard Hamel, Loi naturelle et loi du Christ, 1964