Cet article est extrait de notre dernier numéro Kroaz ar Vretoned n°19 – « Anne de Bretagne, duchesse très chrétienne », à commander sur notre boutique.
Sujet récurrent, complexe et sensible pour toute la population française, l’âge légal de départ à la retraite fait à nouveau débat depuis début Janvier. Le gouvernement du Président Macron a, en effet, entamé le long chemin législatif pour ancrer dans le marbre plusieurs évolutions majeures, à commencer par le passage de l’âge de 62 ans à 64 ans et l’allongement de la durée de cotisation, qui fera passer en 2027 à 43 ans de cotisation pour pouvoir bénéficier d’une pension à taux plein.
S’il est évident que les manifestations de protestation vont se multiplier, il peut être intéressant de faire un pas de recul sur la situation, non pas pour donner une solution toute faite mais pour souligner quelques points parfois trop vite oubliés. Trois points d’ancrage principaux se distinguent : le principe de retraite par répartition, le droit au repos et l’âge légal de départ.
Dans un système de retraite par répartition, les cotisations des actifs sont directement utilisées pour payer les pensions des retraités, ce qui induit une double dépendance intergénérationnelle : par la quantité d’actifs, mais aussi par leur niveau économique. Logique : si le nombre d’actifs n’est pas suffisant pour subvenir aux cotisations des retraités, les cotisations auront une tendance à augmenter en proportion (soit en âge, soit en taux) pour pouvoir tenir. Sauf que cette réalité économique se heurte de plein fouet à deux écueils sociaux : l’absence de subsidiarité économique, et la dépréciation du travail en France.
L’absence de subsidiarité économique se manifeste par l’unicité de la caisse de cotisation (le même « pot commun »), et l’unicité de l’âge légal de départ à la retraite. Ainsi, les spécificités et particularités des métiers ne sont que très partiellement pris en compte : les déficits des uns sont compensés par l’excédent des autres, sans responsabilité sur ce déficit ou valorisation de l’excédent, qui au final sert aux retraites des autres. Ainsi, non seulement le salarié ne cotise pas pour sa propre retraite (contrairement au système de retraite par capitalisation), mais doit accepter qu’un âge légal, uniquement calculé sur des réalités économiques, s’applique à ses réalités sociales. Face à ce constat, l’appel de l’Eglise sur le développement des associations professionnelles peut trouver un écho particulier : pourquoi ne pas envisager des caisses de retraites par métiers/professions, où l’actif cotiserait pour la profession et selon des critères qui seraient propres à sa profession/métier ?
Mais le principal écueil aujourd’hui est la dépréciation générale du travail, qui n’est plus vu comme « opus humanum » mais « opus servile »[1]… Pourtant, « Le travail est un droit fondamental et c’est un bien pour l’homme: un bien utile, digne de lui car apte précisément à exprimer et à accroître la dignité humaine. Le travail est nécessaire pour fonder et faire vivre une famille, pour avoir droit à la propriété, pour contribuer au bien commun de la famille humaine. »[2]. Aujourd’hui présenté comme une charge pénible dont on se débarrasse au plus vite, le travail n’est plus valorisé, contrairement à l’individualisme consumériste. Et il devient alors évident que dans cette grande équation sociale, il est particulièrement complexe d’allonger unilatéralement un âge légal de départ à la retraite, pour des actifs qui n’aspirent qu’à arrêter de travailler, qui cotisent pour les retraites des autres, et sans aucune prise en compte des spécificités de leur métier.
[1] Compendium Doctrine Sociale de l’Eglise – Point 265
[2] Compendium Doctrine Sociale de l’Eglise – Point 287